Au bout d’un tunnel méconnu, il y a des artisans qu’on ne voit pas. Des artisans qui se transmettent ces ateliers souterrains depuis 1841. Pour avoir la chance de s’y aventurer et de jeter un œil à leur travail, il faut être curieux et connaître l’histoire du quartier. On a demandé à Navarro, porte-parole du collectif Baron Leroy qui œuvre pour la sauvegarde du site, de nous faire les présentations. Un dernier tour avant la fermeture ? Peut-être. La ville de Paris veut "sacrifier" le bâtiment au profit de nouveaux logements…

Avant Rungis et les Halles, "le cellier du Monde" était là. Impossible de s’en douter en faisant les magasins à quelques pas, cour Saint-Emilion. Pourtant 150 artisans produisent et stockent dans les 80 ateliers/entrepôts voûtés du justement nommé "tunnel des artisans", fort de (quand même) 15 000 m2 !

Menuisiers, sculpteurs, ferronniers, bouchers, rénovateurs d’églises, un studio de tournage, la plus grosse cave à vins de la capitale, un producteur d’huile d’olive… Tous sont attirés par ce mystérieux tunnel privé de lumière naturelle. Une folie ? Au contraire !

En plus d’être un « patrimoine majeur du XIXe siècle, c’est un entrepôt écologique car seul et dernier réfrigérateur naturel de Paris », explique Navarro. « Ici la température et l’hygrométrie sont parfaites. Il fait naturellement entre 10 et 12 degrés toute l’année, idéal pour stocker des bouteilles sans utiliser de clim’ », se réjouit Jean-François, qui conserve ici plus de 250 000 références de vin.

Même discours du côté de Mohammadi, trois numéros plus loin, le grossiste en viande pour les foyers : « si le tunnel est rasé, c’est bien simple, la livraison de viande sera plus chère ». Autre atout majeur de ce frigo naturel en service depuis plus de 200  ans, c’est aussi (et surtout ?) son emplacement au centre de Paris.

Et les surprises ne s’arrêtent pas là. « En grattant un peu on a découvert de la pierre de taille. Ce qu’on aimerait (l’association compte 300 adhérents dont des riverains et artisans, ndlr), c’est sauvegarder notre "tunnel des artisans" bien sûr, mais aussi sa rénovation et son inscription aux Monuments historiques », assène Navarro. Quid des logements prévus par la Mairie ?

Le quarantenaire a réponse à tout : « Au lieu de dresser une tour géante, il suffit de déplacer la petite gare de Bercy, juste à côté, et d’ériger les 4 000 logements prévus sur une plus grande surface horizontale et non verticale ».

A bon entendeur.

Le tunnel des artisans
86, rue Baron Leroy – 12e
Collectif Baron Leroy